Le diagramme à quadrants est véritablement au cœur du Technology Outlook : ce graphique représente quatre cases différentes, correspondant chacune à une catégorie. Le positionnement des technologies est déterminé par leur importance économique (axe horizontal) ainsi que par le niveau de compétence de recherche dont elles bénéficient en Suisse (axe vertical).
Portée relative des technologies pour la Suisse. L’axe horizontal équivaut au rayonnement économique des technologies pour la Suisse (en 2021) tandis que l’axe vertical représente la compétence de recherche en Suisse (en 2021). La modélisation des données du bâtiment ne figure pas dans la matrice étant donné l’impossibilité d’obtenir un chiffre d’affaires. (Télécharger le graphique: PDF | PNG)
Cette représentation entend fixer la situation à un moment donné tout en pointant vers l’avenir, puisque la portée économique d’une technologie tient compte non seulement du chiffre d’affaires qu’elle a permis de réaliser en 2021, mais aussi de son potentiel commercial futur. Le chiffre d’affaires retenu correspond au volume mondial des transactions de biens ou de services générées grâce à la technologie considérée par des entreprises établies en Suisse. Il intègre également les ventes domestiques liées au montage ou à la maintenance de produits d’importation. La valeur indiquée sur l’axe vertical, à savoir la compétence de recherche en Suisse, recouvre la qualité et la diversité de la recherche universitaire et industrielle sur le plan national.
La maturité des technologies figurant dans le diagramme est réévaluée tous les deux ans sur la base de l’échelle TLR (en anglais Technology Readiness Level). Pour le Technology Outlook 2023, les technologies identifiées satisfaisant aux critères définis sont au nombre de 31 (voir Méthodologie): 26 d’entre elles étaient déjà répertoriées dans l’édition 2021, tandis que cinq autres classées comme pertinentes dans le cadre de la veille technologique effectuée par la SATW sont venues s’ajouter aux quadrants et aux Technologies à l’avant-plan. Il s’agit notamment de la bio-inspiration et de la bio-intégration, du béton bas carbone, des produits de collage et d’étanchéité durables, des technologies d’émission négative ainsi que des circuits intégrés photoniques. La modélisation des données du bâtiment figure uniquement à la rubrique Technologies à l’avant-plan, et non dans le diagramme à quadrant en raison de l’impossibilité à déterminer un chiffre d’affaires.
Dès lors que les expert·e·s considèrent une technologie comme en passe d’accéder à la phase produit (voir Méthodologie), celle-ci n’est plus recensée dans le Technology Outlook dont l’axe est clairement prospectif. Parmi les technologies inventoriées dans l’édition 2021, la suppression concerne les propulsions alternatives pour véhicules, la robotique collaborative, les technologies médicales portables, les robots mobiles, l’architecture Internet SCION, les télécommunications optiques spatiales, la fabrication photonique, le recyclage de terres rares et les réseaux intelligents. Ces domaines ne sont plus traités dans le Technology Outlook 2023. L’analyse big data et l’apprentissage automatique, toutes deux issues du domaine de l’intelligence artificielle, de même que les procédés et les applications en lien avec la fabrication additive et les technologies de stockage de l’énergie figurent dans cette édition du Technology Outlook sous la rubrique Showcases, mais n’apparaissent plus dans les quadrants.
Les 31 technologies du diagramme sont réparties par domaines de recherche: dix d’entre elles font partie du domaine Monde numérique, six du domaine Énergie et environnement, six autres du domaine Procédés de fabrication et matériaux ainsi que neuf du domaine Sciences de la vie.
Le quadrant supérieur droit correspond à la catégorie Stars, qui regroupe les technologies de pointe arrivées à maturité. C’est-à-dire que la recherche scientifique suisse est très active dans ce domaine et que l’importance économique de cette technologie est significative. Pour la Suisse, les retombées de ces technologies se traduisent par des chiffres d’affaires importants et par la création d’emplois. Leur prise en compte dans le Technology Outlook s’explique par le fait que certaines applications sont déjà très élaborées alors que, sur le plan du potentiel, d’autres en sont encore au stade du développement. Avec cette base solide, elles disposent donc de perspectives positives et l’objectif sera d’exploiter les opportunités qui en découleront. L’accès à de nouveaux secteurs d’activités exigera des entreprises et des instituts de recherche qui travaillent sur les technologies situées dans le quadrant supérieur qu’elles effectuent une veille scrupuleuse des évolutions en cours, anticipent les impulsions futures et opèrent sur la base des informations ainsi recueillies. Elles n’auront pas d’autre choix pour se maintenir à la pointe et ne pas manquer des évolutions naissantes.
Les technologies du quadrant inférieur droit se caractérisent par des activités de recherche assez peu marquées en Suisse, mais parviennent néanmoins à générer un chiffre d’affaires important. Il s’agit de la catégorie Succès assurés, qui porte sur des technologies matures et bien établies, mais dont le développement actuel ne progresse que lentement. Cette situation pourrait toutefois être amenée à évoluer. Il est donc crucial de les soumettre à une veille technologique minutieuse. Il est probable que des investissements dans les domaines de la formation, de base et continue, ainsi que de la recherche fondamentale et appliquée auront un impact positif.
Le quadrant supérieur gauche présente les technologies que l’on peut considérer comme des niches complexes. Leur importance nécessite une analyse critique: l’effort scientifique est élevé et les retombées économiques sont quant à elles plutôt faibles. Se posent alors les questions du retour sur investissement et du potentiel futur. L’enjeu consiste donc à renforcer la commercialisation sur le plan international, à accéder à de nouveaux secteurs d’activité ainsi qu’à optimiser les processus industriels en vue de réduire les coûts de production et d’augmenter le chiffre d’affaires. Il apparait également que des subventions dans le domaine de la recherche appliquée pourraient avoir un impact positif.
Le quadrant inférieur gauche correspond à la catégorie des espoirs technologiques, qui sont nombreux. Leur portée économique est encore faible, mais les efforts de recherche le sont aussi. Manifestement, le marché n’est pas encore prêt. Ce quadrant correspond à la porte d’entrée pour toutes les technologies émergentes. L’avenir montrera s’il s’agit d’étoiles montantes ou plutôt de garde-boutiques. Il sera donc primordial de suivre et d’analyser l’évolution de ces technologies de manière fine ainsi que d’en déterminer le potentiel commercial sur les marchés internationaux. Le soutien à leur apporter semble résider dans le rapprochement des partenaires académiques et industriels, dans la mise en place de plateformes d’échange ainsi que dans la création de conditions favorables aux entreprises.
Les technologies retenues pour l’édition 2023 du Technology Outlook sont au nombre de six dans le quadrant des stars, neuf sont classées parmi les succès assurés, quatre appartiennent au groupe des niches et douze sont des espoirs. Les technologies présentées pour la première fois en 2023 apparaissent dans les catégories «espoirs», «niches» et «succès assurés». Il sera donc intéressant de suivre leur évolution d’ici à l’édition 2025.
Dans l’édition 2019, la première version du diagramme comptait 37 technologies et 19 d’entre elles figurent à nouveau dans les quadrants de ce numéro (état: 2023). La comparaison des positions respectives et de leur évolution au cours des quatre années qui séparent les deux publications se révèle intéressante. Les espoirs sont-ils devenus des technologies en autopilote, voire des stars ? Les niches technologiques ont-elles pu s’affirmer dans leur portée économique ? Existe-t-il des technologies dont l’importance pour la Suisse a perdu du terrain ?
Pour quelques technologies, telles que les machines connectées ou les fibres fonctionnelles (voir article Capteurs optiques), le nouveau positionnement s’explique par une modification dans l’orientation de la démarche, par exemple du fait d’un angle d’analyse plus étroit ou plus vaste. Un petit nombre de technologies, telles que bioplastique, géothermie, production alimentaire durable et chirurgie robotique, a conservé une position relativement constante sur toute la durée considérée. Pour les autres technologies, on observe des changements de position parfois importants qui ont été synthétisés sous forme de tableau. Le classement y est réalisé par ordre alphabétique.
Technologie | Évolution de la portée économique (axe horizontal) | Évolution de la compétence de recherche (axe vertical) | Quadrant Technology Outlook 2021 | Quadrant Technology Outlook 2023 |
---|---|---|---|---|
Sources alternatives de protéines | 4,6 | 3,2 | Espoirs | Star |
Véhicules autonomes | -1,4 | 2,0 | Espoirs | Espoirs |
Biocatalyse | 1,0 | 0 | Espoirs | Succès assurés |
Blockchain | 2,1 | 0,2 | Niches | Niches |
Jumeau numérique | -2,5 | -0,2 | Succès assurés | Espoirs |
Réalité étendue | 1,7 | 0 | Espoirs | Succès assurés |
Culture en masse des cellules souches | 2,1 | 3,2 | Espoirs | Star |
Concepts de mobilité | 1,2 | 0,1 | Espoirs | Succès assurés |
Nutrition personnalisée | 2,4 | 2,5 | Espoirs | Succès assurés |
Photovoltaïque | 2,6 | -0,5 | Star | Star |
Tests point of care | 3,9 | 2,8 | Niches | Star |
Cryptographie quantique et post-quantique | 4,9 | 2,3 | Espoirs | Succès assurés |
Informatique quantique | 1,7 | 2,5 | Espoirs | Espoirs |
Biologie synthétique | 2,8 | 0,2 | Espoirs | Succès assurés |
La grille révèle la façon dont les 14 technologies sélectionnées ont évolué sur les quadrants entre 2019 et 2023. Les chiffres indiqués concernent la différence entre les valeurs 2023 et 2019 en matière d’importance économique (axe horizontal) et de compétence de recherche (axe vertical). Un écart positif sur l’axe horizontal signifie un glissement vers la droite, tandis qu’un écart positif sur l’axe vertical représente un décalage vers le haut. La dernière colonne permet de savoir si l’évolution de la technologie observée et de son positionnement a entraîné un changement de quadrant par rapport à 2019. Esp., Ni. et SA signifient respectivement Espoirs, Niches et Succès assurés.
Quatre grandeurs sont prises en compte pour établir l’importance économique d’une technologie (voir Méthodologie): le chiffre d’affaires mondial généré par les entreprises établies en Suisse; le potentiel commercial des années à venir; le cadre légal-réglementaire en Suisse et l’acceptation par la société. Ces grandeurs sont regroupées afin d’obtenir une valeur globale, elles sont toutefois pondérées différemment, avec le chiffre d’affaires comme facteur principal; le potentiel commercial, les conditions-cadres et l’impact de la société sont des grandeurs de moindre importance. En raison de la différence de pondération, un changement de position vers la droite résulte généralement d’une augmentation du chiffre d’affaires, et donc d’une intensification de l’activité industrielle. La portée économique d’une technologie se développe donc sous les impulsions de l’industrie. On observe des glissements importants vers la droite pour certaines technologies: la cryptographie quantique et post-quantique enregistre un déplacement de 4,9 points, les sources alternatives de protéines de 4,6 points et les tests point of care de 3,9 points. Un recul de la portée économique ne s’observe que pour le jumeau numérique (-2,5 points) et les véhicules autonomes (-1,4 point), ce qui, pour ces derniers, s’explique par une révision à la baisse de leur potentiel commercial.
Le calcul de la compétence de recherche en Suisse repose également sur quatre grandeurs, à savoir le nombre de groupes de recherche universitaire en Suisse dans ce domaine; les compétences de ces groupes de recherche en comparaison internationale; le nombre d’entreprises suisses avec des activités de recherche et développement dans ce domaine et les compétences de ces entreprises à l’échelon mondial. Comme pour l’axe horizontal, ces quatre grandeurs sont assemblées pour former une valeur globale, sachant que le nombre de groupes de recherche et d’entreprises sont les deux facteurs majeurs, tandis que les compétences de recherche, tant au sein des établissements universitaires que des entreprises, jouent un rôle de second plan. Un déplacement vers le haut s’explique avant tout par un accroissement du nombre, soit des groupes de recherche universitaire, soit des groupes de recherche industrielle, soit des deux. Seules les technologies tests point of care et cryptographie quantique et post-quantique ont vu leur compétence de recherche augmenter en raison d’un nombre plus important de groupes universitaires; pour toutes les autres technologies figurant dans le tableau, le déplacement s’explique par une augmentation du nombre de groupes de recherche industrielle. De la même manière que pour la portée économique, l’évolution de la compétence de recherche est essentiellement d’origine industrielle.
En conclusion, on observe donc que l’importance grandissante de ces technologies pour la Suisse est presque exclusivement due à l’activité industrielle. Ces dernières sont donc sur le point d’atteindre la phase de production, une évolution logique compte tenu de leur degré de maturité technique.
Depuis 2018, la SATW suit les discussions sur les comptes officiels Twitter (renommé X depuis 2023) des hautes écoles suisses. Grâce au moteur de recherche LinkAlong, ces canaux sont analysés pour y identifier la présence de mots-clés qui correspondent aux technologies examinées dans le Technology Outlook. Nous avons délibérément concentré nos efforts sur les canaux de communication officiels afin de nous assurer que nos données proviennent principalement de sources possédant une pertinence et une crédibilité élevées. Ces données livrent un aperçu en temps réel de l’intensité avec laquelle les hautes écoles suisses s’expriment au sujet des différentes technologies. Elles ne reflètent que partiellement les activités de recherche, mais révèlent avant tout les sujets que ces établissements considèrent comme de nature à intéresser l’opinion publique.
Dans un instantané de la situation basé sur les moyennes des années 2021 et 2022, on constate que la photovoltaïque domine le débat public en Suisse: 33 pour cent des hautes écoles suisses se sont exprimées à ce sujet sur Twitter; elles ont été 31 pour cent à parler de la blockchain, 29 pour cent de la réalité étendue, 18 pour cent de l’informatique quantique et 16 pour cent de la culture en masse des cellules souches. On observe donc que le top 5 se compose de toutes les technologies qui affichent un changement de position important d’origine industrielle sur les quadrants. L’industrie tout comme la recherche académique semblent s’intéresser à ce sujet.
Mais qu’en est-il de l’évolution des technologies de ce top 5 si l’analyse porte sur la durée ? Pour cela, les valeurs moyennes pour les années 2021 et 2022 sont comparées à celles des années 2018 et 2019; les chiffres de 2020 sont brouillés par la pandémie de coronavirus et ne sont pas pris en compte. Comme précédemment, l’analyse porte sur le pourcentage de hautes écoles suisses s’exprimant sur l’une de ces cinq technologies. L’infographie montre le changement entre les deux périodes considérées, c.-à-d. la différence des valeurs de position dans les quadrants en chiffre absolu.
Cette illustration montre l’évolution du débat public sur les comptes Twitter des hautes écoles suisses entre 2018 et 2022. L’analyse porte sur le pourcentage d’établissements suisses s’exprimant sur l’une de ces cinq technologies. La moyenne des années 2021 et 2022 est comparée à la moyenne des années 2018 et 2019. Le chiffre exprimé représente l’évolution, en chiffre absolu, entre les deux périodes considérées. Dans le cas de la photovoltaïque, par exemple, on observe une différence de 16 points de pourcentage en comparant 2021/2022 (33 pour cent) à 2018/2019 (17 pour cent).
Pour la photovoltaïque et l’informatique quantique, le nombre d’établissements qui s’expriment sur ce sujet est en augmentation. Et celle-ci est particulièrement prononcée pour la photovoltaïque: 17 pour cent des hautes écoles, en moyenne, communiquaient sur la photovoltaïque en 2018 et 2019 alors qu’elles étaient déjà de 33 pour cent trois ans plus tard. La photovoltaïque est donc non seulement la technologie dont la plupart des hautes écoles parlent actuellement en Suisse, c’est aussi celle qui enregistre la plus forte évolution depuis 2018. L’importance grandissante de la photovoltaïque dans les échanges Twitter n’est pas uniquement liée à la guerre en Ukraine puisque cette augmentation se dessine depuis 2018, soit le début de la collecte de données. Visiblement, les hautes écoles saisissent cette opportunité pour démontrer leur ancrage dans l’actualité auprès des instances politiques et du public. Le diagramme montre dans le même temps que l’importance économique de cette technologie s’est amplifiée, ce qui ne surprend guère compte tenu de la refonte du système énergétique suisse dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050.
Pour trois des technologies du top 5 – la blockchain, la réalité étendue et la culture en masse des cellules souches – le nombre des hautes écoles suisses s’exprimant sur ces sujets est en recul. Il semblerait qu’un report soit sur le point d’avoir lieu dans l’industrie ainsi que le glissement vers la droite dans le diagramme le laisse penser. La blockchain accuse une perte de terrain particulièrement marquée, en moyenne 50 pour cent des établissements pour 2018 et 2019 contre 31 pour cent en 2021 et 2022. Ce sujet a perdu de son actualité pour les hautes écoles. Des analyses comparatives (-> chapitre Tendances internationales) indiquent que ce déclin s’est également produit dans d’autres pays européens.
Les données Twitter reflètent la perception des établissements d’enseignement supérieur quant à la capacité d’une technologie à intéresser l’opinion publique et leurs activités à ce sujet sur les canaux de communication (voir Tendances internationales). Cela dit, le silence sur une technologie ne signifie pas que la recherche dans ce domaine est inexistante. Pour cela, il serait nécessaire d’analyser les publications scientifiques.