Impression 3D de matériaux composites et de multi-matériaux

Expert·e·s: Fritz Bircher (Inspire), Frank Clemens (Empa), Christian Leinenbach (Empa)

Les premières applications de matériaux composites et de multi-matériaux imprimés en 3D qui ne sont pas réalisés à base de polymères, à savoir de plastiques, se rencontrent avant tout dans la production de moules à injection complexes, d’outils robustes ainsi que dans le domaine de la décoration et des bijoux. Ce procédé permet la réalisation de composants de formes complexes, à la fois résistants et légers, et offre des opportunités majeures pour de nombreux secteurs industriels tels que la construction, l’électronique, l’énergie, l’alimentation et la médecine. La possibilité de produire en petites séries permet un degré élevé de personnalisation, ce qui rend aussi cette technologie intéressante pour la société. Mais l’impression 3D, et notamment l’impression 3D de matériaux composites et de multi-matériaux non polymères, est une niche qui n’a pas encore atteint tout son potentiel dans l’industrie.

Image: 9T Labs

Définition

Un composite est un matériau constitué d’au moins deux matières reliées, qui, combinées, possèdent les propriétés des différents composants. Dans le cas de matériaux composites réalisés par fabrication additive, à savoir imprimés en 3D, le processus peut être comparé à celui d’une imprimante à jet d’encre en trois dimensions.

Avec l’impression de multi-matériaux, plusieurs matériaux différents sont appliqués séparément, mais de manière spatialement définie, C’est ainsi que des matériaux composites peuvent être réalisés. Une variante des multi-matériaux, les matériaux à gradient, découle spécifiquement de la fabrication additive. Il s’agit de matériaux dont les propriétés changent en permanence sur une ou plusieurs directions spatiales et qui suivent ainsi la forme ou les contraintes du composant. Un tel gradient de matériau s’obtient en modifiant par points, par lignes ou par couches, les paramètres de processus ou la composition matérielle pendant la fabrication additive.

Actuellement, seuls des multi-matériaux à base de polymères, c’est-à-dire à base de plastiques, sont utilisés à l’échelle industrielle. L’impression 3D de composites ou de multi-matériaux en céramique, en métal ou à partir d’autres matériaux tels que des élastomères, est encore loin d’être arrivée à maturité et se trouve au stade de la recherche. Le présent article traite exclusivement de l’impression 3D de matériaux composites et de multi-matériaux à base d’autres matières que des polymères.

Différents procédés additifs sont employés, tels que l’extrusion et le Binder Jetting. Dans le cas de l’extrusion, des filaments fondus, à savoir des structures filiformes, sont pressés à travers une buse avant de se solidifier. Des structures de maintien doivent parfois être imprimées pour fixer le produit en cours de réalisation sur le panneau de construction ou pour consolider des éléments en porte-à-faux. Celles-ci doivent toutefois être retirées dès que le produit a durci. Dans le cas du Binder Jetting, on dépose de fines couches de poudre sur un lit de poudre, qui durcit ensuite sélectivement avec un liant liquide appliqué à l’aide d’une tête d’impression. La «pièce verte» ainsi créée doit ensuite être déliantée et frittée. Par conséquent, les deux procédés doivent subir des étapes ultérieures afin d’obtenir un produit fini stable et visuellement attrayant.

Opportunités

Des combinaisons telles que la céramique associée au métal, le métal avec des matériaux durs tels que du carbure de tungstène ou de nouveaux alliages de fer et de nickel rendent les matériaux plus durs et moins sujets à l’usure. Réaliser de tels composites avec des procédés classiques tels que le moulage implique des restrictions de formes. L’impression 3D apporte de gros avantages à cet égard, car elle permet de réaliser des formes complexes. La fabrication additive s’avère particulièrement prometteuse pour produire des outils et, plus généralement, des éléments de construction soumis à des contraintes mécaniques élevées ou exposés à des températures élevées pendant des périodes prolongées.

Certaines applications de l’impression 3D avec des multi-matériaux qui ne sont pas basés sur des polymères se rencontrent actuellement en bijouterie ou en dentisterie: il est entre autres possible d’imprimer des bagues bicolores aux variations de couleurs graduelles ou encore des bridges et couronnes de teinte naturelle et de forme personnalisée. Certaines applications commencent aussi à apparaître dans le secteur énergétique, où l’on parvient déjà à imprimer des condensateurs haute tension et des cellules photovoltaïques à partir de multi-matériaux.

L’impression 3D avec des multi-matériaux devrait à l’avenir trouver sa place dans de nombreux secteurs industriels. Dans le domaine de la technologie médicale et/ou de la robotique collaborative, elle est particulièrement appropriée à la réalisation de prothèses ou de bras de préhension qui associent des matériaux doux, tels que des élastomères, à des capteurs résistants à la pression afin d’imiter des doigts ou d’autres parties du corps. Recourir à ce mode de fabrication permet d’imprimer directement les éléments de détection au lieu de les monter ultérieurement. Ces structures fonctionnelles deviennent alors une sorte de jumeau des véritables parties du corps et de leurs fonctions principales et peuvent servir à la formation des médecins et du personnel de santé. Des applications sont également envisageables dans l’industrie pharmaceutique, où l’impression 3D à l’aide de multi-matériaux permet la fabrication de comprimés associant plusieurs principes actifs. Grâce aux différentes propriétés matérielles des substances qui les entourent, les principes actifs sont libérés avec un décalage temporel ou à différents endroits de l’appareil digestif. L’industrie alimentaire adopte une approche semblable (voir showcase Impression 3D de denrées alimentaires).

De même, on s’attend à une multiplication des applications dans les secteurs de la construction et de l’électronique. L’impression de multi-matériaux permet la préfabrication d’éléments de construction prêts à l’emploi qui comprennent déjà les tuyaux et les conduites et qui s’assemblent très facilement sur chantier. Dans les années à venir, de grands composants électroniques pourraient être réalisés par impression de multi-matériaux; mais en raison du manque de résolution, il ne faut pas s’attendre à imprimer de petits composants électroniques de puissance tels que des puces. Des études préexpérimentales d’impression de puces RFID (Radio Frequency Identification) ont déjà été menées avec succès.

Les possibilités d’impression de matériaux composites et de multi-matériaux n’ont pas encore fait leur entrée dans le secteur industriel. L’impression 3D n’est encore qu’une niche, entre autres parce que ce procédé ne conviendra pas à la production en grande série dans un futur proche, même si la rentabilité concerne des tailles de lots nettement plus élevées depuis quelques années. Toutefois, la focalisation sur la fabrication de formes spéciales et sur la personnalisation offre déjà de multiples opportunités à de nombreux secteurs industriels et à la société. Pour l’industrie, les opportunités concernent les utilisateur·rice·s et les prestataires de services. Les processus de fabrication de produits nouveaux ou existants peuvent être optimisés – mot-clé construction légère – et la fabrication à la demande devient possible, raccourcissant les chaînes de livraison et éliminant les frais de transport et de stockage. De même, plusieurs matériaux peuvent être rassemblés dans un même composant en une étape. Mais cette technologie constitue aussi une opportunité majeure pour les prestataires de services, notamment pour la réalisation de grandes structures.

Au niveau de la société, elle permet de répondre au besoin croissant de produits personnalisés, non seulement dans le secteur médical, mais aussi dans le domaine de la décoration et de la bijouterie. Dans le domaine de la médecine, les patient·e·s profitent non seulement de la personnalisation, mais aussi, indirectement, des nouvelles possibilités qu’offre la technologie pour la formation du personnel de santé.

Enjeux

L’impression de structures composées de plus d’un matériau implique le traitement simultané de différentes matières. Cela pose de nouvelles exigences au niveau des têtes d’impression. Et pour y répondre, des améliorations sont indispensables. Des travaux de recherche et de développement sont également nécessaires au niveau des matériaux afin d’optimiser leur imprimabilité et de comprendre leurs propriétés. Ainsi, dans le cas de gradients comprenant des multi-matériaux métalliques, la zone de transition peut voir apparaître un nouvel alliage aux propriétés difficilement prévisibles et qui ne se contentent pas de combiner les propriétés des matériaux de départ. Cela influence aussi le choix des paramètres d’impression tels que la température et la vitesse d’impression, qui doivent être adaptés au nouvel alliage créé afin d’éviter des fissures et des faiblesses structurelles dans le produit. Tous ces défis nécessitent une approche interdisciplinaire: les spécialistes en science des matériaux doivent se pencher sur les questions structurelles et de fabrication, tandis que les constructeur·rice·s de machines doivent acquérir des connaissances sur les matériaux.

Les produits en métal ou en céramique réalisés par fabrication additive doivent être comprimés après impression: le «frittage» transforme un composant poreux en un produit fini de densité presque totale en liant les couches et en éliminant les pores situés entre les particules de poudre. Au cours du processus, les composants sont chauffés tout en maintenant la température en dessous du point de fusion du matériau afin de préserver la forme de la pièce. Pour un matériau unique dont le point de fusion est défini, cela ne pose pas de problème. Mais dans le cas de multi-matériaux, le frittage s’avère complexe, car il se produit à des températures différentes pour chaque matériau. Une solution possible est le frittage sélectif, au cours duquel le frittage se produit de façon continue pendant le processus et pas uniquement à la fin. Mais cela nécessite une numérisation des processus afin de permettre une action à tout moment.

Enfin, comme pour tous les mélanges de matériaux, la question du recyclage se pose: comment séparer au mieux les matériaux utilisés afin de les recycler ? Dans le cas de composants fabriqués par extrusion à partir de filaments fondus, le recyclage est relativement simple: ils peuvent être concassés mécaniquement pour être réutilisés sous forme de filaments en vue d’imprimer de nouveaux composants. Mais dans le cas du Binder Jetting, l’approche s’avère plus complexe, car elle porte aussi sur le mélange de poudre qui reste dans le lit de poudre et qui doit de nouveau être séparé. Un recyclage sélectif est indispensable si l’on veut que la fabrication additive tienne ses promesses de procédé plus respectueux des ressources et plus durable que les procédés classiques.

L’importance d’acquérir de l’expertise pour les PME

Pour une PME, il est judicieux de se pencher sur la question de l’impression 3D et d’acquérir une certaine expertise, même si acheter son propre matériel risque de n’être rentable que dans de très rares cas. Il importe d’interagir suffisamment tôt avec des prestataires de services ou des hautes écoles en vue d’imprimer des prototypes et d’en tester la qualité et la fonctionnalité. S’il existe des services d’impression 3D de métaux, il y a pénurie d’offres pour d’autres matériaux tels que la céramique. De même, l’impression 3D de matériaux composites et de multi-matériaux qui ne sont pas réalisés à partir de polymères n’est pas encore disponible en tant que service industriel et elle se fonde uniquement sur des collaborations avec des organismes de recherche.

Des exemples d’application concrets sont disponibles dans les articles Diminution du poids comme vecteur de durabilité et Semelles orthopédiques par impression 3D.

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