Exposer des cellules à des ondes acoustiques a pour effet de les faire s’ordonner selon des motifs géométriques en l’espace de quelques secondes. Ce qui à première vue ressemble plus à un projet artistique pourrait bien devenir un «game changer» dans le domaine de la médecine reconstructive.
Image: MimiX
Des vagues qui se brisent sur la grève et qui donnent des formes fantastiques au sable; le vent qui modifie le paysage mais qui insuffle également vie aux herbes, aux feuilles et à l’eau; et les gouttes de pluie, qui en tombant sur l’eau se répandent en cercles concentriques. Ce sont des phénomènes naturels de ce type qui ont servi d’inspiration à Tiziano Serra, Focus Area Leader au AO Research Institute à Davos et co-fondateur de la société MimiX Biotherapeutics. Spécialiste en science des matériaux et musicien amateur passionné, il a laissé libre cours à sa curiosité et découvert ce qui se passe lorsque des ondes acoustiques croisent le chemin de cellules.
En novembre 2016, Tiziano Serra plaçait une boîte de Petri contenant des cellules sur un haut-parleur. Le résultat dépassa toutes ses espérances. «En l’espace de quelques secondes, les cellules se regroupèrent en formes géométriques», explique-t-il. Des expériences supplémentaires lui permirent d’établir que le type de forme dépendait de la fréquence des ondes: les cellules exposées aux ondes forment des cercles concentriques ou des structures analogues à une toupie de poche à quatre branches (handspinner). Structurer des tissus par le son – l’idée a été encouragée par l’AO Foundation à Davos et par une bourse du Fonds national suisse avant de conduire, en 2019, à la création de la société MimiX Biotherapeutics en vue d’appliquer cette technologie au domaine clinique.
Et si aujourd’hui, les cellules ne sont plus exposées aux ondes acoustiques sur des haut-parleurs, le principe reste le même. Placées dans un hydrogel, un réseau gonflé d’eau, elles sont soumises à des ondes acoustiques pendant quelques secondes, puis fixées dès que la géométrie désirée s’est formée. L’implant ainsi obtenu est un fragment de tissus tridimensionnel créé artificiellement et pour lequel la production à plus grande échelle causera vraisemblablement peu de problèmes. Des études précliniques sur des souris montrent que les implants servent de cellule germinale à des structures physiologiques en organisant les tissus malades ou lésés à proximité immédiate et en formant des structures de type vasculaire essentielles à la guérison. De plus, les implants sont bien tolérés par le corps puisqu’ils sont réalisés à partir des cellules du ou de la patient·e. Cela les prédestine à de nombreuses applications dans la médecine reconstructive et ils pourraient changer la donne en ce qui concerne la régénération osseuse ou cutanée ainsi que dans le développement d’organes artificiels miniatures.
Afin d’intégrer différents types de cellules et d’augmenter la complexité des implants, il est possible d’en superposer plusieurs. Cela ne correspond pas à l’impression 3D telle qu’on l’entend habituellement, mais entraîne un ordonnancement spatial de cellules. Il s’agit d’un procédé rapide et bien supporté par les cellules, qui crée des structures quasi physiologiques et qui est simple techniquement. D’une telle simplicité que son utilisation est même envisagée pour avoir lieu directement dans les salles d’opération des hôpitaux – la fabrication au pied du lit, en quelque sorte. Les leviers d’application ne se limitent pas à la médecine. Tiziano Serra voit un potentiel pour cette technologie dans la fabrication de viande de laboratoire. Aujourd’hui, des cellules musculaires animales sont cultivées en cuve et forment, grâce à un support, une masse carnée importante. Mais cette technique ne permet pas de reproduire à l’identique la structure fibreuse d’un steak. Pour cela, il faudrait que les cellules musculaires soient capables de constituer des brins dans toutes les directions. C’est précisément là le point fort de l’organisation tissulaire par induction acoustique.
Tiziano Serra n’est pas à court d’idées visionnaires. Dans son laboratoire de Davos, il explique: «Je rêve de combiner ces implants brevetés à l’intelligence artificielle et à l’impression 3D conventionnelle. Et c’est le meilleur de chacune de ces trois technologies qui doit y contribuer.» Imiter la nature pour orchestrer la vie.
Vous trouverez des informations complètes et plus détaillées sur le sujet dans l'article Bio-impression 3D