Dans les années à venir, le nombre de batteries arrivées en fin de vie augmentera de manière exponentielle. Celles-ci étant constituées de matières premières critiques, leur démontage puis leur recyclage revêtent une importance décisive. L’industrialisation de ces deux processus passe donc par leur automatisation. Un défi que le Swiss Battery Technology Center (SBTC) s’attache à relever.
Image : Innosuisse
Les batteries sont un élément crucial de l’économie numérique, d’une mobilité plus verte et de la généralisation des énergies renouvelables. Néanmoins, leur fabrication a un impact significatif sur l’environnement et les recycler pourrait donc largement contribuer à améliorer le bilan écologique de ces dispositifs. Sans oublier que cela permettrait d’équilibrer l’offre et la demande sur le marché des matières premières.
Une batterie lithium-ion usuelle conçue pour alimenter un véhicule électrique de milieu de gamme pèse environ 400 kilogrammes et se compose de près d’un tiers d’aluminium, d’un peu plus de 15 % de graphite, de 10 % d’électrolytes, d’une proportion équivalente de nickel ainsi que, respectivement, de 5 % de cuivre et de matières synthétiques. Les métaux rares que sont le lithium et le cobalt représentent quant à eux près de 2 % chacun du poids total. Les matières premières intervenant dans la fabrication des batteries sont des éléments clés de la transition énergétique et des transports. L’Europe ne disposant elle-même que d’un volume très limité des ressources naturelles en cause, elle doit donc nécessairement les importer. L’UE considère d’ailleurs la majorité des matières premières destinées à la production des batteries comme critiques, car la sécurité de leur approvisionnement n’est pas assurée. Ne serait-ce que pour cette raison, maintenir ces matières premières dans le cycle économique lorsqu’une batterie arrive en fin de vie, relève d’un intérêt stratégique. Cela signifie aussi que les batteries usagées doivent idéalement servir à en produire de nouvelles. Mais le démontage dont ces visées s’accompagnent n’est pas sans enjeux.
Seul un taux de récupération élevé des différentes matières premières permettra d’en réduire l’extraction. De plus, ces dernières devront être d’excellente qualité à l’issue du recyclage pour pouvoir être réintégrées au cycle de production. Le processus de recyclage et de traitement devra être conçu pour répondre à des critères d’efficacité énergétique les plus élevés possibles, car éviter d’avoir recours à des processus thermiques tels que la fusion des matériaux améliore le bilan écologique.
Le nombre de batteries de véhicules qui seront en fin de vie après avoir éventuellement servi comme dispositif de stockage stationnaire en usage secondaire augmentera fortement, sinon de manière exponentielle dans les vingt années à venir. Dès 2035, l’Europe aura besoin de capacités de recyclage avoisinant les 900 000 tonnes pour les batteries lithium-ion issues de véhicules ou d’autres applications. Développer des processus adaptés et industrialisables relève donc de la nécessité.
Le Swiss Battery Technology Center (SBTC), qui fait partie du Switzerland Innovation Park Biel/Bienne, s’attache à relever ces défis en collaboration avec deux autres organisations. Il s’agit, dans le cadre du projet Eurostars LAMBDA, de développer une installation permettant d’entraîner des robots à démonter des batteries sur des véhicules électriques grâce à des IA de pointe. L’idée est d’éviter autant que possible les processus reposant sur la destruction des batteries. Pour l’automatisation comme pour la robotique, les enjeux sont de taille. Il faut d’une part que les robots apprennent à gérer les batteries des fabricants les plus divers. D’autre part, ces batteries présentent des formes et des structures différentes tandis que les composants qu’elles intègrent se distinguent par leur consistance et sont souvent collés, soudés ou coulés. Après dix ou quinze ans de fonctionnement, les batteries affichent parfois des traces d’usure considérables, peuvent être corrodées ou encrassées. Par ailleurs, leur démontage s’accompagne de risques importants. En cas de manipulation inappropriée, des vapeurs toxiques peuvent en émaner ou des incendies se déclencher. « La robotique assistée par IA permet de réduire l’exposition humaine aux activités dangereuses tout en récupérant des matières premières essentielles de manière économe en énergie », explique Christian Ochsenbein, directeur du SBTC.
Dans sa forme actuelle, la robotique échoue face à la complexité de la tâche. Néanmoins, des procédés d’apprentissage automatique laissent entrevoir des avancées. Dans le cadre de ce projet, la première étape consiste à simuler la tâche dans un environnement virtuel, photoréaliste et physiquement correct et à entrainer le robot à réaliser les étapes nécessaires sur des modèles de batterie numérique ultra-détaillés. Cela implique la reconnaissance autonome des composants, la navigation et la manipulation des différentes pièces. Pour des raisons de sécurité, les tâches ainsi apprises sont ensuite testées en environnement réel sur des batteries factices. Cette approche permet d’affiner la dextérité du robot avant que le SBTC ne fasse bientôt passer le démontage de batteries usagées normales sur des véhicules électriques à la phase d’essai.