Véhicules autonomes

Expert·e·s: Carolin Holland (CFF), Martin Neubauer (SAAM)

Les véhicules autonomes peuvent changer la donne en matière de mobilité. Mais cela exige de surmonter certains obstacles technologiques et réglementaires. Par ailleurs, seule une utilisation essentiellement collective des véhicules autonomes aura une influence positive sur l’environnement et contribuera à la réalisation des objectifs de durabilité.

Image: Bernd Dittrich, Unsplash

Définition

Les véhicules à automatisation élevée (SAE niveau 4) sont capables d’assumer entièrement les tâches de conduite sur certains tronçons dans des conditions météorologiques et de luminosité convenables ou dans des situations de conduite spécifiques, appelées «Operational Design Domains». À la fin d’un tel tronçon ou en cas d’événement imprévu, à savoir une perturbation, le véhicule se met de lui-même dans un état de risque minimal, freine ou se gare. C’est alors au conducteur ou à la conductrice de reprendre les commandes. Les véhicules autonomes ou à automatisation complète (SAE niveau 5) peuvent assumer toutes les tâches de conduite, dans toutes les situations. D’après les études de conception actuelles, certains ne sont même plus munis d’un volant.

Comme les véhicules à automatisation élevée et complète sont des machines qui traitent des données, il n’est guère surprenant que ce soient essentiellement les grands fabricants de logiciels qui soient à la base de leur développement, bien que l’industrie automobile classique ait regagné du terrain au cours des dernières années.

Le développement technologique des véhicules autonomes ne découle pas de systèmes d’assistance, bien que ceux-ci soient utilisés, mais de la recherche dans le domaine des robots autonomes: pour transformer une voiture classique en une voiture autonome, qui est en réalité un gros robot autonome, il suffit de la doter de suffisamment de calculateurs, de méthodes d’analyse des données, d’aides à la navigation, de capteurs et d’actionneurs. Cependant, il est récemment apparu que ces composants représentent un défi plus important que prévu. Compte tenu des nombreux scénarios et situations susceptibles de survenir sur la route, l’automatisation des véhicules s’avère être un projet particulièrement complexe. En ce qui concerne le moment de leur déploiement, une certaine désillusion transparaît depuis quelques années, tant dans le débat public que parmi les expert·e·s.

Les applications d’aujourd’hui et de demain

Actuellement, les véhicules routiers entièrement autonomes (SAE niveau 5) ne sont pas encore présents sur le marché mondial. Certains fabricants vantent leur maîtrise de la technologie SAE de niveau 4. Parmi ceux-ci, on retrouve les grands fabricants américains Cruise et Waymo, ainsi que Mobileye, la filiale israélienne d’Intel. Un projet pilote mené par Mobileye et la Deutsche Bahn prévoit le déploiement de 30 à 40 véhicules à automatisation élevée dans et autour de Francfort. En Suisse, un nouveau projet pilote débutera à Schaffhouse lorsque les premiers essais auront été effectués. Il est mené conjointement par l’entreprise finlandaise Sensible 4, Toyota, le Swiss Transit Lab et la Swiss Association for Autonomous Mobility (SAAM). Il s’agira de navettes destinées au transport local de personnes; dotées de la technologie SAE de niveau 4, elles circuleront de manière autonome sur des trajets prédéfinis.

Opportunités et enjeux

S’ils sont associés aux transports publics, les véhicules autonomes peuvent aussi changer la donne en matière de mobilité en Suisse, en offrant des concepts de mobilité nouveaux et innovants. Utilisés de manière collective plutôt qu’individuellement, ils pourraient entraîner un gain d’efficacité et de place, que ce soit en termes d’espaces de stationnement, de capacité sur la route ou de gestion du volume total du trafic. Les véhicules autonomes augurent aussi une sécurité routière accrue, grâce à la réduction du nombre d’accidents. Difficile de prédire si cela se concrétisera ou non. Mais si cela devait être le cas, on assisterait à une diminution des coûts liés au trafic pour la société.

Aux États-Unis, quelques véhicules à automatisation élevée sont déjà exploités commercialement. En Suisse, ce n’est pas encore le cas, en raison de la situation juridique. Mais il existe déjà quelques flottes d’essai.

Actuellement, il apparaît que des modèles commerciaux sont tout à fait possibles avec des véhicules automatisés commandés à distance, à savoir par téléopération. Des avantages apparaissent notamment dans des domaines d’utilisation très spécifiques (usines, logistique de stockage) ou dans des environnements privés, comme p. ex. le valet de parking automatisé. Ces modèles commerciaux ne sont peut-être pas aussi spectaculaires que ce que promettent les départements marketing des grands fabricants.

Le développement de véhicules autonomes recèle des défis majeurs et non négligeables, comme p. ex. la détection précoce et fiable d’objets, notamment lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises. La pluie, le brouillard ou les chutes de neige peuvent sensiblement perturber les capteurs. Le traitement des données doit s’opérer en temps réel, ce qui ne va pas de soi au vu de la quantité de données générées (BMW évoque 40 téraoctets par voiture et par jour). Compte tenu du grand nombre de situations possibles, le système de conduite automatisé doit aussi être en mesure de réagir à des cas de figure auxquels il n’a pas encore été confronté, pas même dans des simulations, et pour lesquels les données sont encore peu nombreuses. Un autre défi, notamment pour l’infrastructure, réside dans la mise à disposition de connexions Internet infaillibles et présentant une couverture totale, qui offrent un débit suffisamment élevé (voir article Applications 5G). De plus, de gros points d’interrogation subsistent en ce qui concerne l’intégration au trafic routier, p. ex. pour certifier la sécurité fonctionnelle et la compatibilité routière de tels véhicules. Des adaptations juridiques sont également nécessaires en ce qui concerne l’organisation de l’espace routier. La cohabitation de la mobilité douce, des véhicules non automatisés ou à automatisation élevée / complète demeure floue et fait l’objet de nombreuses études. Actuellement, les répercussions de la conduite autonome sur la mobilité globale ne sont pas claires. Vu les avantages inhérents aux véhicules autonomes, on peut penser que les voitures parcourront davantage de kilomètres, ce qui se répercutera négativement sur l’environnement.

Actions de soutien

Comparées à l’Allemagne et au reste de l’Europe, les subventions octroyées en Suisse pour les projets liés aux véhicules autonomes sont très faibles. Elles permettent tout au plus de soutenir la recherche fondamentale, mais elles sont insuffisantes pour des projets pilotes. Par ailleurs, les organisations suisses bénéficient encore actuellement de fonds européens.

Mais outre le soutien financier, il convient surtout de clarifier les règles qui définissent les conditions dans lesquelles la technologie peut être déployée de façon contrôlée. La solution passe en partie par la révision de la loi sur la circulation routière et des ordonnances qui y sont associées. Une collaboration renforcée entre les cantons et les projets pilotes est par ailleurs souhaitable afin de préparer la société au changement.

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